Concours de nouvelles 20171er Prix catégorie "Juniors" Une parole mortelle de Alizée WAQUEZ A quinze ans, il n'est pas toujours facile de comprendre le sens de notre vie. Je suis dans ce cas et j'ai l'impression d'être perdue dans un océan sans fin. Je ne cesse de me poser des questions. La culpabilité m’envahit dès que je prends la parole. Ma façon de voir le monde est assez particulière. Mais ce n'est pas de ma vision du monde dont je suis venue parler aujourd'hui, mais de mon histoire. 24 Juin 2017 « Une parole mortelle » Que voulait bien pourvoir dire cette inscription ? Je n'en n'avais aucune idée mais ce message restait pour moi un grand mystère. Il fallait à tout prix que je découvre pourquoi mon moi m'avait écrit cette fameuse lettre et qui était cette personne qui devait me venir en aide ?
La réalité me rattrapait et il fallait que je trouve une solution. Dans un premier temps ma fugue avait dû alerter mes parents et il faudrait que je trouve une excuse pour l'expliquer. Ensuite la recherche de la mystérieuse personne allait commencer. Enfin j'allais devoir affronter ce que je redoutais le plus au monde : le regard des autres. Ce matin là, je ne suis pas rentrée chez moi. L'entretien que je devais à mes parents n'était pas une priorité. Je suis donc retournée au lycée et bien sûr tout se passa comme je l'avais prévu. Les insultes, les aprioris, les moqueries et les méchancetés fusaient dès que j'avais le dos tourné. La honte, la rage et la tristesse ressenties, me firent comprendre que j'avais de vrais amis, fait de chair et d'os, qui ne sont pas des feuilles mortes qui au moindre coup de vent s'envolent pour se déposer sous un autre arbre. Eux, ne me raillèrent pas. Je n'avais parlé à personne de ce qui c'était passé cette nuit-là. Seule, je devais régler cette histoire. Mais par où commencer, la lettre était si vague et les indices donnés ne m'étaient pas connus. Je désespérais. A la fin des cours comme il n'était que dix-sept heures et que je n'avais aucune envie de rentrer chez-moi j’eus l'idée de rester faire mes devoirs à la bibliothèque. Cet endroit était un paradis. Il permettait à mon esprit de s'évader à sa guise et je me sentais invincible. Je parcourrai les rayons et m’assis à une table en retrait, cachée de l'allée principale. « - Tu ne restes pas avec les autres ? me demanda une voix masculine. Surprise par cette interrogation je relevai soudainement la tête sans trop savoir que répondre. - Euh… non, je préfère rester seule. - Je suis désolé pour ce qui t'arrive, mais il ne faut pas les écouter, ce sont tous des idiots. Et si tu as besoin de parler je suis là. me dit-il en souriant. Il avait des yeux aussi bleus que le ciel et il me sembla percevoir son âme dès que son regard croisa le mien. Ses cheveux étaient d'un brun sombre et son sourire vous transmettait toute la joie et la bonne humeur du monde. Il paraissait sortir d'un de ces nombreux romans où l'on décrit l'homme idéal. - Merci beaucoup, mais je ne pense pas que tu puisses faire grand-chose pour m'aider. - On ne sait jamais, comme je suis nouveau, le directeur a pensé que pour mon intégration, il serait ingénieux de me donner un poste à la bibliothèque entre les cours. Je peux te donner un conseil dans le choix de tes lectures ou t'aider dans tes devoirs ? - Si tu tiens tellement à m'aider, connais-tu un livre nommé « Une parole mortelle » ? » - Bien sûr ! C'est mon livre préféré, mais dis-moi, tu aimes les histoires de pirates ? - Disons que je m'y intéresse, dis-je en essayant de cacher mon étonnement. Saurais-tu où je pourrai le trouver ? - Il n'y pas d'exemplaire ici mais je crois que Mr Kidd en possède un dans son bureau. - Merci beaucoup, mais je pense qu'il me sera difficile de lui demander. Mr Kidd est un homme mystérieux et ne supporte pas que l'on entre dans son bureau ou qu'on le dérange. - Nous trouverons un moyen de récupérer ce livre, je te le promets. Après tout ce n'est qu'un simple conte. » Puis il tourna les talons et s'éloigna. Il n'avait pas tort, ce n'était qu'un livre. Cela voulait dire que si Mr Kidd nous empêchait d'entrer dans son bureau et donc d'atteindre le livre c'est qu'il y avait une raison. Il fallait à tout prix que je le récupère et l'aide de… Je me rendis compte que je ne connaissais même pas le nom de ce mystérieux garçon à qui je venais tout juste de parler. « - Attends ! criais-je avant de le perdre de vue. - Oui ? dit-il en se retournant d'un air étonné. - Je… je ne connais pas ton nom … - Sam ! Je m'appelle Sam. » répondit-il en me souriant et il disparut au milieu des rayons. Un rêve ! Je me repassais en boucle la conversation que je venais d'avoir avec Sam, et, il me semblait qu'elle n'avait jamais eu lieu. Comme si j'avais rêvé. En tout cas il fallait que je récupère ce livre avant ce soir car le temps pressait et les ennuis allaient arriver. J'avais donc donné rendez-vous à Sam à dix-neuf heures trente devant le gymnase. Nous ne risquerions de croiser aucun professeur car seules les femmes de ménages étaient présentes à cette heure-ci. Ils ne nous resteraient plus qu'à nous infiltrer dans le bureau, récupérer le livre et filer. Crac… La porte en chêne massif s'ouvrit - « Nous y voilà enfin ! » chuchotais-je. Je n'étais jamais entrée ici mais cette pièce n’avait apparemment rien à cacher. Le livre était dans un des tiroirs d'un petit meuble et il avait l'air tout à fait banal, la couverture était sobre et il était édité dans une version ne datant que d'une dizaine d'années. A la fin de l'ouvrage il y avait un chapitre expliquant d'où était tirée l'histoire. Et là, la cause de mes problèmes apparut : Il était une fois un grand est célèbre pirate anglais nommé William Kidd. Cet homme intrépide, tyrannique et redouté de tous tua sans compter ses victimes pour trouver « Le cœur de l'honneur ». On raconte que cette arme donne à celui qui la possède un pouvoir infini. Cependant un jour un homme loyal et courageux voulut mettre fin à ce massacre infernal. Alors une guerre éclata entre les deux marins qui se traquèrent aux quatre coins du globe. Tous deux voulaient posséder l'arme pour des raisons différentes : La mort ou la vie ? L'enfer ou le paradis ? Le diable ou l'ange ? Ce conflit dura plus de trente ans et les pertes furent nombreuses. Mais un soir alors que la mer était calme et paisible les deux navires ennemis se croisèrent et le paysage se transforma en une tempête de flammes. Le face à face entre les deux pirates fut sanglant et intrépide. Mais l'ange tomba. Il n'y avait plus aucun espoir pour qu'il s'en sorte, il était condamné. Cependant, Kidd ne le tua pas. Il voulait lui poser une dernière question avant de le faire : « Ou est caché le cœur de l'honneur ? » Le pirate à terre ne prononça que quelques mots : « De là où il est venu... » et, sa gorge fut tranchée. Une légende raconte qu'une fois mort le cœur du pirate se transforma en émeraude et qu'elle fut transmise de père en fils au fil des siècles. Aujourd'hui, malgré les années qui nous séparent de ce conflit, la descendance des deux pirates perpétue la rivalité entre les deux familles. Mais le nom de Emmanuel Wynn resta à jamais gravé dans l'histoire car sa parole lui permit de garder ce qu'il avait de plus précieux au monde : son honneur. Je n'en revenais pas, toute l'histoire de ma famille était écrite dans ce livre. J’étais l'arrière petite fille du capitaine Wynn ! Je me souvenais à présent : La chaumière dans la forêt où se trouvait l'émeraude était celle où mes grands-parents habitaient avant ma naissance et Sam était donc la personne qui devait me venir en aide. Quant à l’inscription au dos de la lettre elle faisait référence à ce qu'avait accompli mon ancêtre. Il avait préféré garder son honneur et le silence. Sa parole lui avait été mortelle et lui avait coûté la vie mais il ne le regrettait pas, il savait ce qu'il faisait, il avait fait son choix. Je me retournais vivement pour annoncer à Sam ce que je venais de découvrir. Mais… il avait disparu. Il avait accompli sa mission. Le harcèlement et le site internet crée disparurent dans les semaines qui suivirent la découverte de ce livre et il se trouva que le directeur et son fils étaient responsables de mon malheur. Ils étaient des Kidd et ils avaient encore perdu. La vie reprit son cours, tel un long fleuve tranquille. 24 Juin 2017 Je sors de la salle et monte sur l'estrade. Je suis confiante à présent. Je sais ce qu'il faut que je fasse et je n'ai plus peur. Je suis une Wynn et l'honneur coule dans mes veines. J'ai survécu, j'ai su faire face et je suis restée forte. Rien ne peut plus m'arrêter à présent. Ils ont essayé de me détruire et de voler le trésor de ma famille. Mais les Wynn ont une devise « Le silence et d'or et la parole est d'argent ». Mon aïeul a gardé le silence, sa vie lui a été prise mais il a rendu sa famille riche d'honneur, de loyauté et de courage. Je suis fière de ce que je suis. Notre famille est une barrière imperméable. Il suffit juste d'en prendre soin pour qu'elle nous protège. Je m’apprête à commencer mon discours quand, soudain, je relève les yeux. Il est là !... Au fond de la salle, ses yeux bleus me regardent, son sourire réchauffe mon cœur et une broche, représentant le symbole de ma famille, orne sa veste noire. Il est revenu ! |