Concours de nouvelles 2012

1er prix Juniors : " De l’autre côté … " de Morgane DUMOND

Le soleil se reflétait sur le sable orange du désert. Les derniers rayons laissaient sur les dunes la promesse d’un retour ; la chaleur assommante serait bientôt remplacée par le vent glacial de la nuit. Le crépuscule éclairait de sa lumière diffuse l’ombre de l’homme qui avançait péniblement le long des courbes de sable. Sa silhouette épuisée était courbée comme celle d’un vieillard que ses frêles jambes ne portent plus.

L’homme délirait. La chaleur, le désespoir, la fièvre, la soif... l’infinie étendue qui s’étendait devant lui embrouillait ses pensées, ses gestes. Elle insinuait en lui un désagréable pressentiment. Celui que, s’il s’arrêtait, il ne pourrait jamais plus avancer. S’il tombait, il ne pouvait plus se relever. S’il s’arrêtait, il était mort.

Comment était-il arrivé là ? Il ne se souvenait même plus. Ses souvenirs étaient vagues, incertains… A trop y réfléchir, il perdait ses certitudes.

Ses mouvements étaient entravés par la fatigue. Il ne désirait que son cauchemar cesse. Son tourment se lisait clairement sur son visage – encore aurait-il fallu qu’il y ait quelqu’un pour le voir. Même la question qu’il s’était tant de fois posée ne réussissait pas à lui changer les idées : allait-il voir sa vie défiler devant ses yeux ? Non, il n’était pas encore assez… pas encore mort. Son entraînement de militaire avait développé chez lui une redoutable endurance qui le tenait encore conscient.

Militaire, son métier… ça lui semblait tellement lointain. N’était-ce pas d’ailleurs en faisant son métier qu’il avait perdu tous ses compagnons dans une embuscade ennemie ? Il lui semblait entendre leurs cris déchirants dans les dernières bourrasques du crépuscule. La peur avait tout dévasté en lui. Pierre s’était enfui. Il avait jeté son arme au loin. Il avait déserté. Déserté. Ce mot résonnait douloureusement en lui.

Il avait couru encore, encore, jusqu’à ne plus pouvoir avancer. Alors il avait continué. En marchant, mais il ne s’était jamais arrêté. Il ne savait pas où il était, ni vers où il allait, mais il avançait. Toujours.

Pour se donner un but, il s’encourageait mentalement à aller plus loin. Encore et toujours plus loin. Devant lui, un monticule de sable particulièrement proéminent se dressait depuis plus de deux heures, obnubilant. Il allait l’atteindre. Il devait l’atteindre.

Il rassembla ses dernières forces et par un dernier miracle, se hissa sur le relief.

Il aperçut une tache floue au loin. « Un mirage… » pensa Pierre. Mais il ne put s’empêcher d’espérer l’impossible. Etait-ce une ville, ou un oasis ? Comme mû par une force supérieure, il s’élança. Il courut dans le sable, en en faisant voltiger partout autour de lui. La joie naissait au creux de son ventre, l’immense soulagement le faisait sourire comme un extravagant. Il dévala la colline.

Le sol se déroba sous ses pieds.

Ce n’était pas une ville. Ce n’était pas un oasis. Ce n’était pas non plus un mirage.

C’était une maison. Une grande demeure ancienne – même si le militaire ne savait exactement de quand elle datait, il savait que l’on n’en construisait plus des comme ça depuis longtemps – abandonnée au désert, solitaire. Pierre tomba à genoux. Son corps n’était pas assez hydraté pour lui permettre de pleurer, alors des sanglots asséchés agitaient son corps moulu. Finalement, il tomba face contre terre, toute force l’ayant définitivement déserté, et il s’abandonna au néant.

C’est certainement le froid qui le fit revenir à lui. Le ciel nocturne était parsemé d’étoiles. Des frissons traversaient la colonne vertébrale du pauvre homme, s’immiscant jusque dans la moelle de ses os. Bien que nauséeux, Pierre ne voulait pas prendre le risque de tomber en hypothermie. Il n’était vêtu que d’un débardeur et de son pantalon militaire, s’étant débarrassé de sa veste dans le désert ; cela ne suffirait pas à tenir la température de son corps.

Les jambes tremblantes, il se releva pourtant après deux essais infructueux et se dirigea vers la maison en ruine.

Il pénétra dans la cour par un mur à moitié effondré. Personne ne semblait être venu ici depuis un millénaire. Le militaire traversa et s’engouffra dans le bâtiment central par une autre brèche béante. Il connaissait assez les dégâts causés par les armes pour savoir que la demeure n’avait pas subi d’attaque. Elle semblait uniquement oubliée. Comme si un beau jour, personne n’était revenu. La maison semblait avoir attendu, résisté, pleine d’espoir. Seulement, le temps l’avait fait revenir à la dure réalité. Elle apparaissait aujourd'hui’hui telle qu’elle était : abandonnée.

Les sols de mosaïque étaient brisés par endroit, tous recouverts d’une épaisse couche de sable. Le crépis des murs s’effritait ici et là, formant des petits tas de gravats sur le sol. Le vent s’engouffrait dans les couloirs obscurs, semblable à un râle sourd qui faisait frémir les tapis usagés et s’agiter les rideaux sales et déchirés qui demeuraient encore ici. Pierre s’avança en trébuchant. Il cherchait une pièce protégée du vent glacial qui soufflait toujours dans les couloirs. Il s’orienta donc naturellement vers l’intérieur de la demeure qui était par ailleurs mieux conservé.

Au fur et à mesure de sa progression, il ne put s’empêcher de remarquer un son qui contrastait étrangement dans le souffle éolien. Au départ, Pierre crut à un autre bruit provoqué par le vent, dû à un étrange matériau. Mais les notes de plus en plus distinctes ne laissaient que percevoir une mélodie ; un corps de flûtes et de tambourins.

C’était pourtant impossible. Un autre mirage. Mirage… ou pas ?

Comme Pierre tenait à en avoir le cœur net, il progressa dans un corridor éclairé d’une lumière anormalement claire.

La musique – car c’en était véritablement une – s’échappait d’un mur rouge sang, trop neuf et propre pour ne pas avoir été refait. Même si le militaire était français, il avait une culture générale arabe assez étendue pour savoir de quoi il s’agissait. C’était un moucharabieh. Pierre s’approcha et colla son œil contre une fente. Manqua de pousser un cri de surprise. Comment… mais par quel miracle… ?

La maison n’était pas vide.

Il y avait une jeune femme. Pierre ne lui aurait pas donné la vingtaine. Et surtout, il l’aurait placée dans une autre époque. Sans doute celle de la maison.

Elle évoluait avec grâce en riant dans une cour intérieure florissante. Son rire creusait de petites fossettes au coin des lèvres sur son visage doré. Il n’entendait pas le son de sa voix atténuée par la mélodie mais la devinait claire et cristalline. Elle dansait sur la musique enivrante que le militaire entendait depuis tout-à-l’heure. Cependant, il était impossible de définir d’où venait le son des instruments. La jeune femme virevoltait avec grâce au milieu des plantes et des palmiers. Ses mouvements gracieux faisaient penser à une danse orientale. Ses longs cheveux détachés d’un noir d’encre suivaient le mouvement. Même si le soldat ne les avait jamais touchés, il les savait doux comme de la soie et délicats comme le dernier reflet d'une possibilité bientôt éteinte : il allait s’approcher d’elle, lui demander ce qu’elle faisait là. Car il n’avait aucun doute sur le fait que la maison soit abandonnée. Mais la jeune femme était bien derrière ce moucharabieh, il sentait son parfum à travers l’écran. Il l’appela donc, doucement :

« Mademoiselle… »

Comme elle ne répondait pas, il recommença un peu plus fort, mal à l’aise. Puis de plus en plus fort, jusqu’à crier. La musique semblait augmenter, elle-aussi, comme pour empêcher la jeune femme de l’entendre.

« Mademoiselle ! Écoutez-moi ! »

Rien à faire. Elle virevoltait au contraire de plus en plus vite, de plus en plus fort et elle venait de quitter le rayonnement dans lequel elle effectuait ses mouvements harmonieux pour aller plus loin dans la végétation dense de la cour.

Paniqué, Pierre chercha des yeux un moyen de la rejoindre. Il n’y en avait pas ; juste un long corridor à moitié ensablé. Il jeta un coup d’œil inquiet à la fente, et recula soudainement.

Elle était à nouveau là, mais dans un cadre tout à fait différent. Trop différent.

Impossible, encore une fois.

Le moucharabieh donnait sur un salon dans les tons cyan. Un salon en parfait état. Des tentures neuves indigo étaient accrochées aux murs. Deux personnes étaient assises sur une espèce de canapé drapé de mille étoffes colorées, placé au milieu de la pièce. La jeune femme qui figurait parmi ces deux personnes discutait avec un homme à peine plus vieux qu’elle. La qualité du tissu des vêtements précieux de celui-ci et son accent raffiné ne laissait que deviner son ascendance noble. A côté de lui, la jeune femme paraissait pauvrement vêtue, bien que très élégante elle aussi. Les deux jeunes gens bavardaient gaiement, en arabe ; Pierre, dont le vocabulaire local se résumait aux formules de politesse, était donc dans l’incapacité de comprendre ce qu’ils se disaient. La jeune femme riait aux éclats des récits de son tourtereau. Il y eut un silence gêné après une longue tirade du possible prince. Puis d’un seul coup, le noble se baissa sur le visage de la jeune femme.

Pierre qui comptait justement l’interpeller, détourna vivement les yeux, préférant ne pas troubler la liesse des deux jeunes gens. Lui avait une femme… avant. Ils avaient divorcé après plusieurs disputes assez violentes. Mais c’était de l’histoire ancienne.

Pierre recula d’un pas et leva la tête. Il jaugea le moucharabieh du regard, les sourcils froncés. Les motifs découpés sur sa surface étaient exotiques, presque captivants. Enfin, ils l’auraient été pour lui si le militaire ne les avait pas totalement ignorés. Non, en fait, c’était avec des yeux terrorisés et vaguement préoccupés qu’il observait le dispositif d’aération. Pierre ne s’était jamais prétendu religieux ou fidèle à un quelconque culte, mais devant ce moucharabieh, il ne pouvait s’empêcher d’implorer la première divinité qui lui passait par la tête. Il était face à un démon, cela ne faisait aucun doute. Et il se trouvait incapable de faire un geste.

Et il hésitait. Devait-il le détruire ? Laisser agir Allah, Dieu ou un autre ? Ou tout simplement s’en aller, et ignorer ce qu’il avait vu ?

Il avait autre chose à faire que s’intéresser à cette diablerie. Comme trouver un moyen de signaler sa position, par exemple : en faisant un feu. « Bonne idée » songea-t-il. Ça lui permettrait aussi de se réchauffer et de passer la nuit de manière correcte.

Oui, il se cherchait des excuses, en effet. Malgré sa peur, il ne pouvait résister à l’envie de regarder une nouvelle fois à travers une fente du moucharabieh. Il prit une profonde inspiration et jeta un œil.

Cette fois, il distinguait le mobilier d’une chambre à coucher à demi plongée dans l’obscurité. Il y avait beaucoup plus de monde que dans les précédentes scènes. Il pouvait deviner plusieurs servantes qui s’affairaient ardemment ainsi que deux ou trois personnes – impossible d’être sûr – qui attendaient autour de l’immense lit voilé par des rideaux transparents colorés qui occupait presque tout l’espace de la pièce. Parmi ces personnes-là, Pierre retrouva la jeune femme qui patientait nerveusement en se mordillant la lèvre et en jetant des regards implorants autour d’elle. Le militaire ignorait la raison de cette apparente inquiétude, mais il avait conscience que quelque chose d’important était en train de se passer. L’homme était à côté d’elle. Il gardait les yeux rivés au sol, les bras rigides collés aux flans.

Il s’écoula plusieurs minutes et rien ne changeait de manière significative, mis à part les déplacements de pieds et les courses affolées des servantes.

Las et désireux de regarder autre chose que des procédés incompréhensibles dans des circonstances insaisissables, Pierre ferma les yeux puis laissa s’écouler quelques secondes avant de les rouvrir. Aussitôt il comprit son erreur. La scène avait disparu pour laisser place à une autre ; qui pourtant semblait donner une explication à la précédente.

C’était au même endroit, mais certainement pas au même moment.

La jeune femme était écroulée sur la poitrine d’un vieil homme, allongé dans le lit, comme s’il dormait. Mais la rigidité et la pâleur du visage de celui-ci ne laissait que présager le pire. Sa poitrine ne se soulevait plus. Le silence était entrecoupé par les sanglots de la jeune femme dont le corps frêle tressautait de temps en temps. Le noble se glissa derrière elle, la tête basse. Il posa une main lourde de sollicitude sur l’épaule de sa fiancée en murmurant quelques mots doux à son oreille. Mais la jeune femme le repoussa avant de s’enfuir en courant hors de la chambre.

Pierre sentit la nostalgie le gagner et il n’essaya même pas d’interpeller la jeune arabe pour qu’elle reste. Il recula. Le militaire se détourna en secouant la tête. Toutes ces visions n’étaient pas normales et il ne devait pas s’y intéresser. Il devait trouver de quoi faire du feu pour signaler sa position. Si jamais on le retrouvait.

Avec un élan d’humeur contre son pessimisme, il rebroussa chemin et s’engagea dans une trouée – une ouverture avait dû être aménagée par l’homme, vu sa forme. L’air frais le fit frissonner mais, concentré sur son objectif, il n’y fit pas attention. Il observa la pièce dans laquelle il venait d’entrer. Elle était entièrement vide, mise à part le petit tas de sable. N’ayant pas trouvé de quoi satisfaire sa recherche, il passa dans la salle voisine. Il restait un meuble de bois à moitié effondré sur lui-même, fendu sur toute la longueur, qui ferait un excellent combustible.

Les pensées du militaire voguèrent vers le moucharabieh. Dommage qu’il n’ait pas vérifié la matière exacte. Pourtant, il aurait tant aimé y mettre le feu…

Le feu… mais d’où venait cette odeur de brûlé ?

Sceptique, Pierre chercha du regard la source de ce nouveau mirage.

Après quelques secondes d’observation, et voyant que la fumée envahissait le couloir, il retourna néanmoins vers le moucharabieh, ne pouvant s’empêcher de présager le pire…

Il y parvint à peine, qu’il comprit avec horreur d’où venait la fumée. Sous la pression des flammes, le moucharabieh se brisa et les morceaux coupants volèrent dans tous les sens. Pierre bascula en arrière. Un des débris tranchants lui entailla la jambe droite sur le haut du genou. Un liquide chaud s’écoula le long de son tibia. Sa vision devint floue et des points noirs apparurent brièvement devant ses yeux. Quand ils se dissipèrent, Pierre crut avoir rejoint le monde des ombres. Quand son cauchemar cesserait-il enfin ?

La jeune femme franchit le mur d’un air ingénu et en deux petits pas légers, vint pencher son visage parfait sur lui. Des ruisseaux de larmes étaient encore visibles sur ses joues, faisant luire la beauté de sa peau comme un diamant. Pierre arrêta de respirer et se noya dans ses yeux, deux sphères d’onyx aux profondeurs insondables. Il se sentit aspiré à l’intérieur, incapable de résister tandis que les flammes s’échappaient de l’encadrement du moucharabieh qui n’était plus.

Brusquement, comme un courant d’air, l’étrange phénomène prit fin et la jeune femme accroupie se releva avec grâce. Elle commença à s’éloigner avec élégance, inconsciente des fournaises ardentes qui se développaient derrière elle, et Pierre, subjugué, n’arrivait pas à articuler un mot. La jeune femme se dirigeait vers l’autre bout du couloir, à l’opposé du croisement par lequel Pierre était arrivé. Le militaire remarqua trop tard que le mur du fond n’existait plus, et donnait directement sur l’extérieur : le désert et la voûte céleste étoilée.

Il essaya de se redresser mais sa jambe blessée se déroba sous lui. Des tremblements le prirent alors et il sut que son corps avait atteint ses limites.

La jeune femme atteignit la sortie aménagée dans le mur.

« Non ! Attendez ! » s’écria Pierre. Ou plutôt, voulu s’écrier Pierre. Sa gorge desséchée se tordit douloureusement sans émettre un son. Avec un grognement muet, il en rassembla ses dernières forces et parvint à se relever. Lentement, il mit un pied devant l’autre et progressa ainsi, courbé en deux. Chaque pas lui arrachait une grimace. Tous ses membres tremblaient. Mais à l’allure à laquelle il progressait, il n’arriverait jamais à rattraper la jeune femme qui s’éloignait en l’ignorant royalement, effleurant de ses doigts gracieux les morceaux de fresques qui restaient au mur.

Soudain, ses genoux flanchèrent. Pierre n’arrivait plus à avancer. Il s’agrippa au mur et s’effondra de tout son long contre, totalement impuissant.

« Mademoiselle ! Att… attendez ! » Souffla-t-il.

Il se tut.

Il s’écroula.

Sa dernière vision fut celle de la belle jeune femme qui s’évanouissait dans une bourrasque de vent.

Puis le noir.

Un grondement. Que Pierre ne mit pas longtemps à identifier car il était imprimé dans son oreille, obsédant, comme s’il avait été là depuis plusieurs heures. Celui des pales d’hélicoptère. Le soldat gémit. Il sentait qu’on le transportait sur un brancard. Il avait le tournis et un sérieux mal de tête mais ouvrit tout de même un œil. La nuit noire du désert était percée par des projecteurs. Les ordres brefs criés dans la pénombre résonnaient douloureusement dans son crâne, comme les mots de l’homme qui l’appelait à travers l’écharpe de brume qui entravait son cerveau.

« Caporal Pierre Alistair ! Réveillez-vous ! »

Pierre discernait de mieux en mieux les traits inquiets de l’homme penché sur lui.

« Géné… ral… Général Quester ! » S’exclama Pierre quand il eut totalement réalisé à qui il s’adressait : son supérieur. Celui dont il n’avait pas respecté les ordres, celui dont il avait déserté du régiment. Mais Quester était allé le chercher, avait mobilisé des troupes pour lui et venait en personne lui parler ; preuve supplémentaire que le général aimait ses soldats et les considérait comme des fils. De plus, il était souriant et visiblement soucieux de l’état de son homme. Immédiatement, Pierre se sentit soulagé. Il allait pouvoir enfin se reposer… les explications attendraient.

Mais une sonnerie d’alarme s’alluma dans son esprit. Pierre avait l’impression d’avoir oublié quelque chose mais il ne savait pas ce que c’était. Cependant, ce sentiment persistait désagréablement.

Soudain il se souvint : la maison, le moucharabieh, l’incendie… Il y avait plus important que son repos. Plus important que sa propre personne. Et il ne pouvait pas se permettre d’attendre. Aussi, le militaire n’hésita pas une seule seconde :

« Général ! Il y a une jeune femme qui marche dans le désert ! Vers l’ouest, je crois ! »

Quester haussa un sourcil, dubitatif, puis il sourit et se tourna vers le toubib qui se tenait patiemment derrière lui, attendant sans doute le verdict du général.

« Il va bien. Il est juste sous le choc. Emmenez-le vite dans l’hélicoptère. »

Le cœur de Pierre manqua un battement. Il n’allait tout de même pas être interné ? Non… non, c’était impossible. Il devait les convaincre s’il ne voulait pas finir sa vie dans une cellule désespérément blanche et vide, cloué à jamais sur un lit par des tuyaux et des perfusions.

« Mon général ! Je suis sérieux ! Et je vais bien ! Voyez, je me lève… »

Quester tourna un visage plein de compassion vers le caporal qui se débattit un bref instant – en vain – pour se redresser sur sa civière.

Et la jeune femme, comme une apparition, se pencha délicatement par-dessus l’épaule du général accroupi.

« NOOOOOOOOOOOON !!! »