CONCOURS DE NOUVELLES 2008

" Les Grands Espaces "

 

1er prix Adultes : "VERTIGO" de Christiane DUMOULIN

21 mars 2006
Elle m’a crié : « c’est ça, sa tête touchera le ciel, et toi tu perdras la tienne ! » Mais c’était plus fort que moi, construire la plus haute tour du monde, c’était mon rêve d’enfant, un conte de fée à portée de main, je ne pouvais pas refuser, même pas pour les beaux yeux de Nora. Je suis arrivé sur le site de Burj Dubaï en février 2005 avec quelques collègues architectes du cabinet d’Adrian Smith pour un contrat de quatre ans. J’ai bien aimé mes premiers mois dans l’Emirat, l’ambiance cosmopolite, le luxe déployé partout et dont je profitais en miroir, les programmes les plus mirifiques que je pouvais embrasser d’un coup : l’hôtel sous marin, l’immense marina, l’archipel d’îles artificielles en forme de palmier dans la large baie du golfe persique, le plus grand centre commercial du monde, des parcs d’attractions inédits, des quartiers high-tech sophistiqués…
J’avais le sentiment d’avoir élargi mon espace, mon expérience, ma valeur, d’être sur une autre planète, d’avoir laissé derrière moi un monde ancien voué à la décrépitude. La vitrine fascinante m’a ébloui pendant tout le premier été et je n’ai pas souffert des 50° qui régnaient au-dessus de nous, à peine perceptibles dans les univers climatisés des bureaux et des taxis, des galeries marchandes et de la maison.
Nous vivions entre nous, expatriés privilégiés d’entreprises multinationales, dans un microcosme confortable de résidences partagées et de loisirs organisés. Le temps passait vite, nous travaillions beaucoup ; j’envoyais presque chaque jour un mail à Nora pour lui faire part de mes emballements, elle répondait une fois par semaine sur un mode plutôt ironique, se moquant de ma « planète bling bling » ou de mon « megaloland », elle me joignait des photos de pelouses rases avec buissons d’azalées en fleurs, de châteaux en Ecosse ou bien des recettes à base de chocolat  - mesquinerie de ceux qui restent en arrière et laissent passer le courant du monde, pensais-je.
Ce matin, pour la première fois, un doute m’a effleuré : il y avait un encombrement monstre sur la Sheikh Zayed Road. Arrivé au bureau, j’ai appris que des ouvriers qui n’avaient pas été payés depuis deux mois s’étaient révoltés sur un chantier et avaient endommagé des voitures, du matériel de bureau, des équipements, des ordinateurs… Ce n’est pas dans notre tour, mais le soupçon est maintenant semé : que sais-je des conditions de travail de tous ces pakistanais, indiens, népalais, chinois, philippins qui fourmillent sur les chantiers, et pourquoi ne me suis-je jamais posé cette question ?
Je pense que cet effort presque surhumain auquel nous contribuons en vaut pourtant la peine : la tour Burj Dubaï sera en soi une ville avec en même temps huit cents appartements, quatre piscines, des hôtels, des discothèques, des commerces, des activités, des espaces de jeux pour les enfants… Vivre à la verticale, pourquoi pas ? Libérer la surface terrestre par l’occupation de l’espace me parait être une solution écologique.

23 mars 2006
La grève s’est élargie à d’autres chantiers dont celui du nouveau terminal de l’aéroport de Dubaï. Délaissant les grands travaux, je vais avec un ami journaliste visiter Sonapur, le quartier où résident les dizaines de milliers d’immigrés qui travaillent ici : six personnes par chambre de sept mètres carrés, les terrasses servent de cuisine et rangements où tout s’empile. Les chemins alentour sont boueux, partout des déchets aux odeurs nauséabondes…
Le shammal, ce violent vent d’ouest s’est levé et nous avons eu une tempête de sable ; seules les silhouettes anguleuses des grues jaunes et oranges se devinaient encore ça et là. Je me suis senti perdu, je ne distinguais plus le nord et le sud, à peine le haut et le bas ! Mon message du soir à Nora, plus laconique et incertain, me vaut cette réponse brève : « tu as mis le nez dedans ? Alors maintenant, reviens ! »

24 mars matin
J’ai fait un drôle de rêve : je voyais la terre comme un gros hérisson fâch&eacut e;, roulé sur lui-même et hérissé des tours les plus hautes du monde qui le protégeaient des météorites et d’une atmosphère devenue douteuse. Un gros hérisson qui ne pointe plus son nez peut-être parce qu’il a décidé de mourir ?

15 mai 2006
Je vais régulièrement sur le chantier, nous atteignons maintenant le trentième étage de béton et je vois souvent Greg Sands, chef de projet. Sous son casque blanc la sueur coule et sa chemise blanche aux manches retroussées lui colle à la poitrine. Nous parlons quelquefois de son équipe, une centaine de personnes : « ils vont et viennent, certains retournent au pays car avec l’inflation, ils ne s’en sortent pas. D’autres disparaissent on ne sait pas ce qu’ils sont devenus ; de toutes façons, il n’y a pas de dossiers, pas de fiches… Je ne peux rien pour eux ».
A nos pieds, le damier des immeubles en construction, le quadrillage de sable et palmiers des voies de circulation, quelques carrés d’espaces verts grignotés sur le désert ; les boutres sillonnent la crique, en partance pour l’Inde ou Oman.
Nous regardions la flèche jaune de l’immense grue devant nous et Greg a dit « tu sais que vingt pour cent des grues du monde sont à Dubaï en ce moment ? » Je n’ai jamais autant entendu parler du monde que dans ce petit pays d’un million cinq cent mille habitants, grand comme les Alpes Maritimes…
Le dernier message de Nora commençait ainsi : « au plus petit architecte du monde dans la plus haute tour du monde ».

25 août 2006
Le chantier progresse moins vite que prévu : on arrête le travail quand il fait 50° à l’ombre (tant pis pour ceux qui travaillent au soleil !) ; beaucoup de malaises, Greg se plaint d’une très forte rotation de son personnel : on lui envoie des nouveaux qu’il faut former, la productivité baisse.
Me voilà suspendu entre ciel et terre sur une plate forme de béton et d’acier ; les parois de verre réflexif que l’on commence à installer me semblent faire loupe sur la mer au loin ; je ne suis pas sûr d’avoir le pied marin.
J’ai fréquemment mal à la tête et à la gorge ; la climatisation me tue… Et puis j’en ai assez de la clique des expatriés anglo-saxons ; le whisky circule un peu trop à mon goût.
J’écris moins souvent à Nora. Ses dernières photos à Brighton avec une bande d’amis que je ne connais pas ne m’ont pas fait plaisir.

30 septembre 2006
Soixante-dixième étage. On a tenu les délais ; on a renforcé les équipes avec un contingent de Pakistanais frais arrivés. J’ai fait la connaissance d’Ikhar qui vient d’Islamabad, son anglais est rauque et je ne comprends pas toujours très bien mais il a un merveilleux sourire ; pourvu qu’il tienne le coup ! Je lui ai dit que quand le vent souffle j’ai l’impression que l’immeuble tangue et je vacille comme si le sol se dérobait. Il a ri, il a l’habitude de l’altitude.
Moi, l’homme des plans, de l’horizontal, du champ, du terrain de foot ; moi le taureau aux pieds ancrés au sol, le terrien, le glaiseux, moi descendant de laboureurs au geste auguste, de défricheurs à foulée ample…me voici propulsé au soixante-dixième étage, préposé à l’achèvement du cent soixantième et dernier de la tour la plus haute du monde. Je m’accroche au grillage du monte charge, le désert flotte et la mer tourne, agacée des archipels artificiels qui émergent le long de la côte. Je ferme les yeux dans la lente descente du puissant appareil.
Greg qui collectionne les statistiques sur le Net me dit qu’il y a un suicide tous les quatre jours chez les ouvriers des chantiers de Dubaï, je ne sais pas s’il faut le croire.
Pas de nouvelles de Nora depuis trois semaines ; je n’écris pas non plus.
De toutes façons qu’est-ce-qu’elle peut comprendre à la misère de ce monde ?

20 décembre 2006
Je prends mon congé à Londres. Je m’en faisais une fête : sortir de l’enfer, me reposer, car j’ai eu beaucoup d’ennuis de santé ces derniers temps et j’ai perdu cinq kilos, revoir Nora et nos amis… Rien ne marche comme je le pensais : la brume ne se lève pratiquement pas, je me suis enrhumé dès mon arrivée et Nora est « tellement prise ». Voilà qu’elle fait du théâtre amateur maintenant, c’est sa façon à elle de s’engager me dit-elle…
Je traîne au lit, néglige mon habillement, j’oublie les noms de mes amis, je cherche mes mots… Je pense à Ikhar, il n’allait pas fort quand je suis parti ; il disait que ses montagnes lui manquaient beaucoup… Je veux lui rapporter des biscuits au gingembre et à la cannelle.

7 avril 2007
Il y avait fête aujourd’hui à Burj Dubaï : nous avons atteint le cent vingtième étage, ce qui constitue un record (mondial !) pour un gratte-ciel. Un buffet a été offert sur la dernière plate forme couverte ; il y avait beaucoup de monde, des exclamations dans toutes les langues, une évidente ivresse de culminer, dominer, des regards tranchants et définitifs sur tout ce qui rampe au ras du sol. Je n’ai pas fait grand honneur aux victuailles, j’avais mal au cœur, mes oreilles bourdonnaient. J’ai un sérieux vertige quand j’approche des ouvertures pour contempler les lointains horizons, mer, désert, des infinis effrayants pour moi, pauvre myope. Peut-être n’étais-je pas fait pour construire la tour la plus haute du monde ?
J’ai rempli mes poches au buffet pour Ikhar : il est désespéré car il n’a pu envoyer d’argent à sa famille ce mois-ci. L’inflation galope et les salaires n’ont pas été augmentés malgré divers mouvements de grève.

21 juillet 2007
Nouveau record : 141 étages, 512,10m. Burj Dubaï est devenu le gratte-ciel le plus haut du monde : nous avons dépassé Taipei à Taiwan et ses 508 mètres. J’ai fermé les yeux dans le monte-charge, j’avais un éblouissement, tout dansait devant moi. Greg m’a raccompagné et nous avons été pris dans les embouteillages ; « un accident toutes les trois minutes » a dit Greg. J’ai vomi dans sa voiture. J’ai pensé à Roquentin : moi, l’existence me sort de partout, par les yeux, par le nez, par la bouche. « Tu devrais vraiment te reposer » a ajouté Greg. Puis il m’a demandé des nouvelles de Nora. « C’est fini » ai-je dit, et ça m’a surpris.

13 septembre 2007
150 étages, 555,3 m ; nous sommes la plus haute structure autoportante du monde, nous avons dépassé la tour CN de Toronto ; on nous en rebat les yeux et les oreilles, messages internet, messages radio, reportages télévisés, vidéo sur le net. On m’a proposé de survoler le chantier en hélicoptère pour admirer ce Titan à la gloire de la puissance humaine. Je n’irai pas, même avec une collection de sacs en plastique.
Je me suis aperçu qu’Ikhar avait toujours faim ; il dépense le moins possible ici pour secourir sa famille et pouvoir repartir. Je l’aide autant que je peux sans froisser sa fierté ; il est vrai que moi, je n’ai plus du tout d’appétit. J’ai déménagé dans un petit appartement solitaire, je ne supportais plus mon ghetto de riche. Je reste allongé des soirées entières quand je rentre épuisé de la tour. Il me semble entendre encore longtemps ces paroles échangées autour de moi dans toutes les langues, et sentir ce mouvement de fourmilière qui agite ce chantier aux sept mille insectes, avant de pouvoir m’endormir dans la moiteur ambiante où je me sens flotter.

27 décembre 2007
158 étages, 598,50m ; la structure béton est terminée, on démarre la structure acier. La taille finale de la tour est tenue secrète : elle doit être impérativement la plus haute du monde avec son antenne et il y a des compétiteurs en route : on ira aussi loin qu’il le faudra. Pour moi, il y a longtemps que j’ai décroché. Autour de moi les objets sont animés de mouvements giratoires et oscillatoires et je me tiens aux murs pour rester droit, pourtant, je ne bois pas ! Je frissonne malgré la douceur hivernale, je suis perpétuellement troublé ; est-ce que je deviens fou ?
Ce soir j’ai aperçu Ikhar qui serrait les dents, il m’a dit « j’attends le cent soixantième… » mais il n’a pas pu continuer sa phrase. Je pense qu’il va bientôt repartir. Moi aussi ; j’ai demandé mon rapatriement pour raisons de santé.

ler janvier 2008
J’ai voulu faire l’effort de monter une dernière fois : ma cérémonie d’adieu au seuil de cette année nouvelle où je dois tout reprendre au début, remettre ma vie à plat. Ikhar s’est jeté du cent soixantième, sa veste s’est détachée et je l’ai suivie des yeux longtemps, qui tourbillonnait dans sa descente vers le sol, et la tête me tournait, tournait…

 


2ème prix Adultes : " REVES D'AILLEURS " de Pascale CASTELLON

7H30, debout sur le quai F de la gare Saint Charles, Maximilien Varat attend le prochain TER qui le ramènera à Toulon. Serré dans son costume couleur corbeau, cravate autour du cou comme la corde d’un pendu, il garde entre ses jambes un attaché case en tissu noir. Max a trente et un ans, sans enfant et vit dans un studio exigu en centre ville. Il a à peine assez de place pour un canapé lit, une cuisinette dans un placard et une machine à laver prête à s’envoler dans un bruit d’hélicoptère à chaque essorage.
Il travaille en tant que vendeur de cuisine dans un petit magasin à Marseille. Son boulot : vendre un maximum en un minimum de temps. Derrière son bureau minuscule, il pousse des clients méfiants à signer des contrats qui les endetteront pour des années.
Le TER 842450 à destination de Toulon est annoncé et Max récupère son attaché case avant de monter dans une voiture entièrement recouverte de tags. A l’intérieur, les sièges ont déjà été pris d’assauts par des passagers plus rapides que lui. Il reste donc debout, en regrettant déjà d’avoir à faire le voyage entre un gros bonhomme à la transpiration abondante et un jeune homme aux cheveux gras.
Max s’apprête à se perdre dans ses pensées lorsqu’il remarque une publicité au fond du couloir dans un cadre en plexiglas.
La publicité vante les mérites d’une compagnie aérienne qui vous emmène, paraît-il, au bout du monde. Le bout du monde, Max se l’imagine, bercé par le balancement du train. Il ferme les yeux. Soudain, il a l’impression de tomber. Il se rend compte qu’il est effectivement en train de tomber de tout son poids le long d’une falaise gigantesque vers les flots rugissants d’une mer en furie. La panique l’envahit et il gesticule des membres comme si ce mouvement pouvait retenir sa chute. L’impact, il l’imagine, sera terriblement fatal. Il ferme les yeux et percute le mur d’eau dans un fracas assourdissant.
Lorsqu’il lève à nouveau ses paupières, il se rend compte que tous les passagers du wagon le regardent interloqués. Il s’est entendu crier. Oui, il a crié mais son rêve avait l’air tellement réel. Une dame d’âge mûr le fixe d’un air dégoûté et secoue la tête lentement. Il croit lire dans ses pensées : «Encore un drogué qui n’a pas eu sa dose».

Max repense à ce qui vient de se passer. «C’est étrange, se dit-il, j’ai tout ressenti : le contact, dur et froid, de l’eau et le bruit de mes os se brisant dans mon corps».
Il aspire à fond une bouffée d’air chargée d’odeur de sueur et de cheveux sales. Il fronce son nez et ferme les yeux pour mieux se rappeler ce qu’il vient de vivre.
La mer a fait place à un désert immense de dunes mordorées. Il sent la brûlure du soleil sur sa peau et la soif commence à transformer sa langue en papier buvard. Ses lèvres se craquellent déjà sous le vent torride. Il parcourt le sommet des dunes dans son costume trop serré et surtout trop chaud. Il ôte sa veste et met sa main en visière sur ses yeux. Il aperçoit alors à quelques mètres de distance un troupeau de chameaux mené par un bédouin enveloppé dans un burnous.
«C’est incroyable comme ce rêve a l’air réel, se dit-il».
Il sait que sa seule chance est d’atteindre l’homme au turban bleu-nuit. Il descend donc cette dune aussi haute qu’une montagne, en prenant garde de ne pas tomber. Soudain, une de ses chevilles cède sous son poids et Max s’affale le nez dans le sable. Sa chute entraîne bientôt toute une plaque de sable blond qui produit un bruit insolite comme le son des cornes de brume dans la nuit.
Le jeune homme, trop fatigué pour en apprécier les accords, dévale la pente de cette dune musicale. Le visage de l’homme aux chameaux est celui d’un bédouin aux traits marqués et à la peau brûlée par des années d’errance dans le désert.
«Dure journée, hein ?»
Max contemple son interlocuteur quelques instants d’un air hébété.
«Je vous demande pardon ?»
Max semble émerger du brouillard comme lorsqu’on sort doucement d’un rêve. L’homme qui vient de lui parler, n’est pas un bédouin du désert mais un simple passager du train. Max lui sourit poliment et se replonge dans ses pensées.
Que lui arrive-t-il ? Pourquoi fait-il ces rêves plus vrais que nature ? Un ras-le-bol du quotidien aura t-il eu raison de son subconscient ?
Pendant qu’il ressasse un millier de questions dans sa tête, il fixe son regard sur cette affiche au fond du couloir. « Rêves d’ailleurs » y annonce fièrement le slogan. C’est exactement ce qu’il est en train de faire, il rêve d’autres horizons, d’espaces grandioses où l’on se sent comme une fourmi face à une autoroute : perdu, fasciné, terrifié et incroyablement inutile.
Le jeune homme éprouve une irrésistible envie de continuer son voyage imaginaire. Il ferme les yeux mais cette fois volontairement et sans peur. Il commence à apprécier les surprenants paysages qui se cachent derrière ses paupières.
En une seconde, le voilà chevauchant dans les steppes de Mongolie. Lui qui n’est jamais monté à cheval de sa vie, galope sur un petit cheval mongol, fier descendant des chevaux primitifs. Il sent le vent frais de la plaine aride, l’herbe rase vole autour des sabots de son petit destrier à la crinière hirsute. Max se sent libre. Il aperçoit un troupeau de yacks et sait déjà qu’il faut les ramener au campement pour le grand départ vers des plaines plus accueillantes avant le grand froid de l’hiver.
La sensation qu’il éprouve est incroyable. Pas de limite à son galop. Pas de piéton à éviter. Rien que l’immensité plate et au fond à quelques kilomètres, le campement de sa tribu.
«Aubagne, 2mn d’arrêt»
«Pardon, je descends ici»
La vieille dame au regard incendiaire quelques minutes auparavant, lui décoche un coup de coude dans les côtes.
Max la laisse passer. Il s’est habitué aux allers et venues entre ses rêves et la dure réalité. Cependant ce dernier passage vers l’imaginaire l’a un peu laissé sur sa fin. Il attend donc son prochain voyage avec impatience. Pourtant rien ne vient, Max a beau fermer ses yeux très forts, lorsqu’il les rouvre il ne voit que les visages blafards d’anonymes fatigués par une journée de travail.
Ses mimiques concentrées et ses clignements de paupières commencent à attirer les regards des autres passagers.
«T’as une poussière dans l’œil, mec ?»
Le jeune homme aux cheveux gras a pris la place de la vieille dame descendue à l’arrêt précédent. Max acquiesce de la tête. Inutile de se lancer dans une conversation dont il n’a pas envie. Il continue à chercher une explication à ses voyages fabuleux sans pourtant trouver pourquoi il n’en fait plus du tout.
Peut-être est-il moins fatigué. Peut-être faut-il un degré de calme et de concentration précis.
Vingt minutes et toujours aucun rêve à l’horizon. D’ailleurs, son horizon est bouché par le gros bonhomme suant. Debout, serré entre les deux rangées de fauteuil, Max ne voit même plus le fond du train.
«La Ciotat !» crachote le microphone.
Le gros bonhomme déplace alors sa masse monumentale et descend prestement.
Max se sent soulagé alors que le train se remet aussitôt en marche. Le jeune homme tente de se concentrer à nouveau sur ses rêves. Il ferme ses yeux sans trop y croire et le voilà projeté dans un décor de Far-West : des plaines verdoyantes, des rivières aux eaux limpides serpentent entre quelques collines pas plus hautes qu’un immeuble de trois étages.
Max tient les rênes d’un attelage de deux énormes bœufs aux cornes démesurées : les «Long Horne». A ses côtés, sa femme, Anna, serre contre son cœur leur dernier né.
A l’arrière de la carriole, ses trois petites filles se chamaillent un livre illustré en couleur sur la mode de la ville.
Le chemin caillouteux déroule une guirlande de carrioles : des pionniers, comme lui, appâtés par la promesse d’une fortune assurée toujours plus loin vers l’ouest. Cette grande procession s’étend jusqu’à la grande rivière. Ils s’arrêteront là sur une de ses rives pour la nuit.
Les tentes montées, les bêtes dételées, les feux allumés, on se réunit entre pionniers pour parler de l’or qui coule à flot dans les rivières telles que celle-ci. On rêve, on chante, on danse sur les airs irlandais des violons conservés comme des trésors.
Entouré de sa famille, Max n’en croit pas ses yeux : il est là, il mange du maïs grillé, de la viande séchée et boit cette bière amère qui vous laisse la langue râpeuse. Il est heureux. Dans le ciel noir comme l’encre, les étoiles semblent être toutes proches. Pourtant, si on y regarde de plus près on serait presque pris de vertige tant on se sent tout petit face à l’immensité étoilée.
Peu à peu, toutes les familles retournent dans leurs carrioles respectives pour une bonne nuit de sommeil. Seuls quelques hommes resteront debout pour monter la garde et éloigner d’éventuels coyotes trop curieux ou affamés. Max, les larmes aux yeux, embrasse sa famille. Il le sait, il ne les reverra plus. A peine aura-t-il fermé les yeux qu’il se retrouvera dans ce maudit train et ne saura plus si c’était un rêve ou si son cauchemar est dans ce train.
La tête sur sa veste roulée en boule, il tente de lutter contre le sommeil mais cette rude journée viendrait à bout de l’homme le plus robuste, et il ne tarde pas à s’endormir.

Comme il l’avait prévu, il retrouve devant lui les mêmes visages de ce voyage qui n’en finit pas. Mais déjà la baie de Bandol dévoile son immensité bleutée.
Malgré un pincement au cœur persistant, Max est impressionné par cette étendue d’eau qui semble ne pas avoir de fin. Il se souvient alors de ses jeux d’enfant où il s’imaginait être un grand explorateur voguant sur des mers inconnues à la recherche de quelque trésor caché. Il restait des heures au bord, laissant les vagues lui lécher les pieds jusqu’à ce que sa mère vienne le chercher.
Tout à ses pensées, Max voit déjà se profiler les premiers bâtiments gris de la ville de Toulon. Arrivé à la gare, le jeune homme descend sur le quai, les yeux encore remplis des fabuleux paysages issus de ses rêves. C’est décidé, pour ses prochaines vacances il partira en Mongolie.
Tous les passagers descendus, seul un homme en costume cravate reste dans le wagon. Il s’approche de l’affiche publicitaire. Cette dernière réagit au contact de sa main. Un petit écran numérique apparaît alors et l’homme tape un texte informatisé sur un clavier tactile. Il prend son téléphone portable de sa poche et compose un numéro.
«Ouais c’est moi. Le test a réussi mais seulement sur un type. Non ! Les autres passagers n’ont pas réagi. Oui, d’accord, je programme un autre essai pour le voyage de retour. Si on peut atteindre 50% des personnes, ce sera un succès total. Imagine le boom économique pour le tourisme. Tous les gens se précipiteront dans les agences touristiques dans l’espoir de retrouver les mêmes sensations qu’ici, dans ce train. C’est vraiment un tournant dans l’histoire de la publicité ! Ok, on fait le débriefing demain».
L’homme coupe son portable, pianote encore quelques données sur l’écran du panneau publicitaire qui ne tarde pas à prendre les couleurs chatoyantes d’une vaste forêt canadienne.
«C’est vrai, pense-t-il alors qu’il vient se rassoir dans un des fauteuils du wagon, bientôt les entreprises du monde entier s’arracheront notre écran publicitaire subliminal».




1er prix Juniors : " POINT FINAL " de Clara NIZZOTI - 16 ans

Courbé sous le vent incessant, il avançait, petite silhouette frêle, sombre, qui paraissait si fragile qu’une poignée de main aurait pu la briser. On le voyait disparaître au loin, tout seul, sans bagage et son rire résonna longtemps dans le ciel sans nuage. Il avançait sur le chemin de la vie, marchait vers son destin sans se poser de questions. Il avait vécu maintes et maintes aventures, parcouru le monde des milliers de fois, réalisé des rêves qui n’étaient pas les siens. Il s’était trompé de chemin, avait raturé quelques morceaux de sa vie, effacé ses erreurs, pour mieux recommencer une nouvelle existence. L’horizon lui semblait un univers ailleurs, un futur impossible où il ne distinguait que quelques songes qui se débattaient, des envies incertaines et des désirs sans avenir. Il y voyait des projets qui ne lui ressemblaient pas, une vie qu’il n’aimait pas et semblait ne pas comprendre pourquoi ce destin, pourquoi lui avait-on attribué cette existence. Mais qu’importe il avançait, car demain est un autre jour. Sur ses pas, se dressaient, peu à peu, des arbres de plus en plus colorés d’où tombaient des fruits juteux qui tachaient ses mains noires lorsqu’il les saisissait pour croquer dedans. Au fil du temps, c’était des forêts entières qui bordaient ses chemins et la nuit, lorsque le silence s’emparait de la Terre, il pouvait entendre de petits animaux, puis enfin les voir. C’était un homme pieux qu’un Dieu malin contrôlait, conduisait sur des sentiers tortueux et sur des routes sinueuses. Il régulait sa vie, lui offrait au matin un soleil brûlant qui, la nuit, laissait place à la lune givrée qu’aucun nuage n’obstruait jamais et que l’inconnu pouvait contempler à loisir. Il riait très souvent de sa propre existence, n’y trouvant pas de sens et n’en cherchant plus depuis longtemps. Il vivait sa vie comme un pèlerin qui a trouvé la foi sur des chemins arides et s’y brûlait les pieds, pensant arriver, un jour, là où il le devait. Il n’avait pas peur de la mort et chaque jour son rire semblait la repousser. Il mordait joyeusement dans la vie, sans se soucier de qui il était, être lui suffisait amplement et il se réjouissait simplement d’être en vie chaque matin. N’ayant ni guitare, ni oiseau bavard pour lui tenir compagnie, sa solitude pour amie, il n’était plus qu’un petit point perdu dans un décor infini. Chargé de rêves, il s’éloignait.

Il s’enfonçait dans une forêt tropicale, le climat autour de lui devint humide et il sentit le ciel de plus en plus lourd au-dessus de sa tête. Il avait peur que ce ciel ne craque, ne déverse sur son dos sa pluie torride, ne lui jette à la figure une nuée d’insultes et se sentait étouffé comme s’il allait l’écraser. Le lendemain matin tout cela avait disparu, n’était-ce qu’un rêve ? Que s’était-il passé ? Il l’ignorait mais avait pris l’habitude de remercier Dieu pour le bonheur qu’il lui apportait et de ne pas se poser de questions. Aujourd’hui il était dans une savane lumineuse et au-dessus de lui il imaginait presque qu’il n’y avait plus de ciel. Il joua tout le jour avec les animaux, comptant sur son Dieu pour le protéger. Il le protégea, mais le protègerait-il éternellement ? Toutes les belles histoires ont une fin. Dans ses jolis périples, il passait quelquefois dans un hameau quelconque, croisait des habitants, figurants sympathiques. Il s’y ravitaillait et causait un instant. Il apprenait qu’ailleurs la vie n’est pas si belle, qu’il y a des gamins qui crèvent parce qu’ils ont faim et des femmes qu’on bat dans des cités de béton. On lui disait que les hommes ne sont pas tous bons, que la vie est parfois injuste et qu’à cet instant-là, quelque part dans le monde, dans ce monde si vaste, un vieillard s’éteignait doucement dans son lit, une mère pleurait la mort de son enfant, des immeubles explosaient dans le ciel innocent, une femme criait sous des coups de ceinture. Cela lui faisait mal mais dès son départ, il l’oubliait aussitôt. Il voulait une belle vie, une vie qui sache faire rêver, une vie qu’on poserait dans un éclat de rire. Souvent il savourait le bonheur d’exister. Dans les déserts brûlants qu’il foulait de ses pieds nus, il gravait ses joies que le vent effacerait, un sourire éphémère que l’Histoire oublierait. Son rire était celui des chansons légères, des chansons qui vous caressent l’oreille tout doucement, sans insister, des quelques notes qui se baladent dans l’air. Il arriva dans New York, par une nuit sans lune, une nuit grise et sans étoile où le moindre bruit vous fait sursauter. Que faisait-il là ? Demain il rejoindrait un groupe de gangsters qu’il a sans doute toujours connu. Il ne se posait toujours pas de questions, avançait là où ses pieds le guidaient. Les murs qui se dressaient autour de lui et l’encerclaient méthodiquement l’effrayaient, il se sentait pris au piège, le ciel semblait si loin et plus inaccessible que jamais. Ce n’était qu’un homme perdu dans l’immensité du monde. Dans l’immensité de cette nuit sans étoile. Entendant le silence lui répéter ses peurs.

Cet homme n’était qu’une silhouette, égarée sur les pages de sa vie, innommable et insaisissable, avançant dans un monde encore inexploré et découvrant la Terre sans même se connaître. New York était déjà loin quand il se réveilla et c’est l’océan qui l’attendait au matin. L’océan inquiétant et muet, l’océan inconnu et imprévisible. D’un bleu qui semblait presque noir, fendu au loin par l’horizon inaccessible, tranchant avec le ciel aujourd’hui si clair. On s’y serait noyé, dans son océan, comme dans une bouteille d’encre. Lui voulait avancer, mais il avait beau brasser les flots, rien n’y faisait, sa vie lui échappait, il n’était qu’un sujet, un pion sur la planète. Il ne pouvait pas aller plus loin, parce qu’il se serait aventuré dans l’inconnu, l’inqualifiable, au-delà de la frontière des mots. Retour sur la terre ferme. Il fit encore quelques pas, personnage d’encre et de papier, sur la grande feuille qu’était son monde et qu’il ne conquérrait jamais vraiment. Les pages se tournaient, il était toujours là, avançant tout seul sur une vie de papier, explorateur d’un monde qui n’avait pas de limites, voguant sur les pages des rêves d’un auteur, vivant une vie qui n’était pas la sienne et qui s’achèverait avec ce point final.

 


Prix Collectif : TICKET" de la classe de Bac Pro ELEEC 1ère année - LGTPP ST ELOI à Aix en Provence - Professeur Mme Garnier

Nous étions le 15 janvier 2008. C'est tout ce dont je me souviens. Mes pensées étaient troubles tout comme ma vision. Tout objet situé à plus d'un mètre de moi me paraissait flou. Je voyais le monde tourner sur le rythme d'une musique de fête foraine qui traînait dans ma tête. Je ne savais pas comment je m'étais retrouvé dans cet endroit.
J'étais accroupi et j'avançais, avec précaution, à quatre pattes. Tout tanguait. Quel brouillard, un temps blafard, à ne pas mettre un chien dehors et puis quelle heure peut-il bien être ? Mais où suis-je donc? Un monde confus, fait de noir et de gris, m'enveloppait entièrement, je me sentais perdu dans cet univers cotonneux.
Une petite Jeep est sortie du flou. Je me suis secoué pour essayer de l'atteindre et, pour finir, je me suis agrippé péniblement à l'intérieur. Tout à coup, j'ai entendu une voix stridente crier « ticket ».Était-ce une hallucination ?
Je suis descendu de la voiture, hagard, et j’ai vu surgir derrière moi un lion, la gueule grande ouverte, comme sorti de nulle part. Ses pattes étaient démesurées. Alors mon esprit s'est mis à cavaler, j'ai imaginé les griffes, la longue queue, la chaleur africaine des savanes. Terrifié, j’ai frissonné comme les zèbres, les buffles, les gnous et autres proies que le lion poursuivait peut-être également de son cruel appétit.
J'ai couru le plus vite possible, mais j'avais l'impression de tourner en rond. De nouveau le gris infini m'entourait, j'avais semé l'animal féroce. Epuisé, je m'accordais un repos, hélas de courte durée. Je n'étais pas au bout de mes surprises, un avion me fonçait dessus. Pris de panique, j'ai couru comme dans un rêve, vite, de plus en plus vite. Haletant, je fixais la bande noire sous mes pieds, le monde tournoyait dans un halo de gris. C'est alors, qu'apparut, devant moi, un cheval blanc. Pour aller plus vite, je sautais sur son dos.
J’étais étonné par ma légèreté.
Le cheval avançait calmement.
Pour autant, je n’en ai pas profité pour essayer de me rappeler de ce que j'avais fait hier soir, ni de savoir comment j’en étais arrivé là, dans cet endroit mystérieux. L'inquiétude me rendait incapable de réfléchir, j'étais transi de froid, de peur, hébété dans ce brouillard sans fin.
Ma vision ne s'était pas arrangée. Je ne voyais que des objets troubles tout autour de moi, sauf, étrangement, à ma droite. Je devais rêver. Ce n'était pas possible ! Une Tortue Ninja courait à la même vitesse que ma monture.
Elle, je la distinguais parfaitement !

Soudain, un homme en uniforme fonça vers moi en criant « Ticket, ticket ». Ma monture était trop fatiguée pour continuer. J'ai dû encore courir. Transpirant, les muscles raidis par l'effort, je scrutais l'espace derrière moi, l'homme avait disparu.
À ma grande surprise, je vis apparaître une moto pilotée par un enfant d'une dizaine d'années. Il m'a regardé attentivement à travers ses grosses lunettes et son visage, dans un claquement violent comme celui d’un fouet, fut absorbé par une énorme bulle irisée. J'en suis resté bouche bée. Tout était incompréhensible.
Cependant, ma vision s'éclaircissait peu à peu.
Curieusement, je suis resté immobile, jusqu'à ce qu'une main vaporeuse me caresse la joue. «Dis donc, tu ne bouges pas trop toi, tu es un rêveur. Il faut quand même essayer de l'attraper...le pompon. Et ton ticket tu l’as ?»
Une aurore boréale magique flottait là, dans cet espace. Des lumières roses et violettes me propulsaient entre un feu d'artifice et l’envol d'un fleuve de flamands roses. Je ne saurais pas décrire avec exactitude mes sensations à cet instant précis. Une joie intérieure diffuse, le bonheur de vivre, une pointe de bouillonnement que je n'avais pas éprouvée depuis longtemps. L'extase, une odeur de barbe à papa en sus. Un espace temps unique, comme il en existe très peu ... moments d’irréalité qu’on peut compter, sur le bout des doigts, dans toute une vie comme ses amis, les vrais.
Je redescendis sur terre avec difficulté. L’enfant à la moto s'arrêta devant moi et me tira la langue. Je me suis juste dit «il n'est pas beau».
Tout près de moi, un orgue de barbarie jouait «je me souviens des bals perdus…» petite musique, écho de mes rêveries.
Le magnifique Carrousel était là, devant moi, moi qui le croyais parti à la casse depuis bien des années. Il me contait l’enfance.
Les anges posés sur l'orgue, les bas reliefs, les miroirs, les chevaux en bois, tout avait été refait, sans doute par une main d'artiste. Une main douce et habile qui frôlait la vie, délicatement, comme ce fameux pompon virevoltant que j’avais oublié d’attraper.
«Tu ne seras pas un battant, toi, il faudrait te bouger. Ne garde pas la tête dans les étoiles !»
Elle a des tâches de rousseur. Elle a acheté des tickets, une dizaine de tickets. Elle les promène sous notre barbe. «Ticket, ticket, j’ai repéré des chevaux de bois, c'est plus dans mes cordes que le Grand Huit » insiste-elle. « Ticket, ticket. » Elle les a distribués à qui voulait. « Allez, vous venez !

Allez, tu viens ? Je n'aime pas les manèges pilotés par des machineries d’enfer.
Tiens, tiens un ticket. »
On a tous entre 16 et 18 ans. D'abord, une petite gêne, nous hésitons puis parmi les minots on a pouffé de rire, on a piaffé, on s'est poussé du coude et goguenarde elle jubile.
A la queue leu leu, sur les chevaux, nous avons tendu nos tickets en riant, comme des enfants. Nous galopons en tentant d'attraper le pompon.
Un magicien l’entraîne toujours plus haut pour les adultes, seuls les enfants l’attrapent. Les parties gratuites ne sont déjà plus pour nous. C'est cela être grand, payer les rêves de l’enfance.
Pourtant, le souvenir de cette fois-là, de cette fois où je me suis écroulé en un sommeil étrange, visité par de fantastiques créatures, est inscrit là, sur l’écran noir de mes paupières.
Et cette voix, celle de l’homme en uniforme, combien de fois ne l’ai-je pas entendue ! « Ticket ». La ritournelle du temps me donne la chair de poule. Ticket, papier, Ticket, adresse....
Dans l'espace infini de ses miroirs, le somptueux Carrousel me fait entrevoir un visage féminin tourné vers moi, rivé sur moi. Ces yeux qui me fixent sont les yeux d'une jeune fille aux tâches de rousseur. Tiens, la petite fée du carrosse a grandi.
Ticket ... Dans la ronde du manège, petite roue cerclée de dorures, j’avais engrangé l’Univers, vaste océan de rêve pour amoureux de la voûte étoilée, du Carrousel de l’enfance.
Aucun doute, j'ai un ticket ... Je te suis, mademoiselle la Fée. J’ai un ticket !